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Leica M2

(1958-1967) - un nouveau viseur

mercredi 5 janvier 2005, par Jean D.

Ci-dessus, un Leica M2 fabriqué en 1966, présenté sans objectif.

La lignée du Leica M se diversifie...

En 1958 apparut le Leica M2, petit frère du M3 avec lequel il va figurer pendant huit ans au catalogue de Leitz... La conception du Leica M2 traduit des décisions d’ordre esthétique et technique, mais aussi économique : ce modèle fut initialement considéré comme un M3 simplifié (ce qui n’était pas vraiment le cas), et son coût de fabrication plus réduit fit qu’il valait nettement moins cher que son aîné ; le Leica M4 (apparu en 1967) relèvera le tarif...
A titre de comparaison, les prix des trois modèles de Leica simultanément disponibles en 1967 étaient les suivants (sans objectif, taxe locale incluse) :
Leica M3 : 1526 francs
Leica M2 : 1339 francs
Leica M4 : 1698 francs
Mais revenons au Leica M2, qui avec le Rolleiflex fut le modèle préféré des photo-reporters pendant presque deux décennies...

L’esthétique du Leica M2 prolonge l’évolution stylistique engagée par son grand frère, dont les moulures de façade sont effacées et la collerette entourant le bouton de verrouillage de l’objectif est supprimée : ce modèle atteint une absolue pureté de ligne et constitue, de ce point de vue, l’apogée du Leica. Cette esthétique sublime sera altérée, neuf années plus tard, par l’arrivée du Leica M4, dont la manivelle inclinée et le levier d’armement articulé cassent l’allure. Il est d’ailleurs piquant de constater que ces deux innovations du M4, pourtant présentées à l’époque comme un indéniable progrès et ayant perduré sur tous les modèles ultérieurs, ont été abandonnées chez le nouveau MP apparu en 2003...

Modifications techniques du Leica M2 par rapport au M3 :

  1. Le compteur de vues est externe et sa remise à zéro est manuelle (à la manière de celui des boîtiers Leica à pas de vis) : ce compteur est une couronne coaxiale à l’ensemble constitué par le déclencheur et l’axe du levier d’armement.
  2. La modification essentielle concerne le grandissement du viseur, qui passe de 0,91 à 0,72 : cette réduction permet d’incorporer un cadre correspondant au champ couvert par un objectif de 35 mm de distance focale (une telle innovation fut grandement appréciée par les photo-reporters). Trois cadres demeurent disponibles, mais sur le Leica M2 ils indiquent le champ couvert par les objectifs de 35, 50 et 90 mm de distance focale ; chacun de ces cadres est matérialisé par quatre segments lumineux et apparaît lorsque l’objectif correspondant est mis en place.

Le viseur est muni de repères indicateurs de profondeur de champ liés à l’image télémétrique (uniquement pour un objectif de 50 mm de distance focale) ; de tels repères furent ajoutés au viseur du Leica M3 en 1958, mais - probablement peu utilisés - furent abandonnés chez les modèles ultérieurs. Voici le schéma du bloc viseur-télémètre du Leica M2, qui se révèle très différent de celui du M3 (remarquer en particulier le recours à un miroir perforé, la forte inclinaison du plan des cadres - ce qui nécessite une fenêtre d’éclairement constituée de prismes parallèles disposés en toit d’usine - et le trajet oblique de l’image télémétrique ; ce schéma de principe sera celui de tous les modèles Leica ultérieurs) :

Le Leica M2 connut quelques modifications pendant ses deux premières années :

  1. Le bouton de rembobinage fut remplacé par un levier (identique à celui du Leica M3) ; ces premiers M2 sont dits M2 "bouton". Ce bouton initial est de deux types, qui se sont succédé en 1958 : sans collerette et dépourvu d’encliquetage (il faut le presser pendant le rembobinage), puis entouré d’une collerette et pourvu d’encliquetage.
    Ci-dessus (photo © bulb), un Leica M2 "bouton" fabriqué en 1958, présenté avec un bouchon de boîtier (référence IVZOO/14056).
  2. Addition du retardateur en 1959 (cependant pas sur l’ensemble des boîtiers) ; le retardateur équipa tous les boîtiers à partir du n° 1004151, en 1960.

Les accessoires d’armement-entraînement rapide :

  1. Le Leica M2 peut être équipé, à partir de 1960, du dispositif d’armement rapide nommé Leicavit MP remplaçant la semelle (référence SMYOM, ou n° 14008 U et 14108 V selon le type d’écrou de pied) ; ce dispositif est analogue au Leicavit qui peut être adapté depuis 1951 aux boîtiers Leica IIIc, IIIf et IIIg ainsi qu’à leurs dérivés (référence SYOOM). Le Leicavit M proposé en 2003 comme accessoire du nouveau MP n’est pas identique au Leicavit MP, notamment car l’accouplement au boîtier ne s’effectue pas de la même façon (voir le mode d’accouplement du Leicavit MP au chapitre Leica MP).
  2. Motorisation : quelques moteurs électriques, conçus en 1959, demeurèrent expérimentaux, adaptables à une version du Leica M2 nommée MP2 (réduite à 14 exemplaires). Le moteur électrique Leicamotor a été fabriqué en 1966 par la filiale new-yorkaise de Leitz, adaptable à des Leica M2 modifiés, ainsi qu’à une version particulière nommée M2-M (construite à 275 exemplaires).

Production :

Le Leica M2 fut fabriqué à 85200 exemplaires (soit près de trois fois moins que le Leica M3), entre 1958 (n° 926001) et 1968 (n° 1207000) ; l’essentiel de cette production est constitué de boîtiers chromés, mais 1871 exemplaires furent laqués noir et 20 furent laqués gris (ces derniers destinés à la Luftwaffe).

Ci-dessus un Leica M2 laqué noir fabriqué en 1965, équipé du Summicron f:2/35 mm (deuxième version) coiffé de son pare-soleil ajouré, et muni du dispositif d’armement rapide Leicavit MP.

Variantes du Leica M2 :

  1. Leica M1 : il s’agit d’une version simplifiée du M2, moins onéreuse. Le télémètre est absent (sa fenêtre est obturée par une petite plaque portant la gravure M1) et le viseur ne dispose que de deux cadres (35 et 50 mm), néanmoins corrigés automatiquement de la parallaxe. Ce modèle ne possède ni retardateur, ni levier sélecteur de champ. La conversion du Leica M1 en Leica M2 fut possible. Le Leica M1 fut fabriqué à 10150 exemplaires, de 1959 (n° 950001) à 1964 (n° 1102900) ; l’essentiel de cette production est constitué de boîtiers chromés, mais 208 exemplaires furent laqués vert olive (ces derniers destinés à l’armée allemande).
  2. Leica MD : il s’agit d’une version encore plus simplifiée du M2, remplaçant le M1 en 1965, dépourvue de viseur, essentiellement destinée à un usage scientifique (sur microscope par exemple). Une semelle spéciale optionnelle permet de glisser (par une chicane à lumière) une bande de rhodoïd, large de 4 mm, devant une extrémité de l’image, afin d’écrire un renseignement par contact sur le film. Le Leica MD fut fabriqué à 3216 exemplaires, en 1965 (n° 1102501) et cessa l’année suivante (n° 1160820) ; ce modèle fut remplacé par le MDa, dérivé du Leica M4. Les administrations postales de plusieurs pays utilisèrent deux versions du Leica MD (formats 24 x 36 mm et 24 x 27 mm, 259 exemplaires) : ces boîtiers, équipés de l’objectif Summaron f:2,8/35 mm (sur platine spéciale, à mise au point fixe et rapprochée), furent utilisés pour photographier des compteurs téléphoniques !
  3. Leica M2-S et M2-R : il s’agit de versions du Leica M2 dotées du dispositif de chargement rapide du Leica M4. Le M2-S fut destiné en 1966 à l’US Army nom de code : KS-15(4), puis le contrat militaire fut rompu et le reste de la production fut commercialisé dans le domaine civil aux USA par la filiale Leitz Rockleigh, sous l’appellation M2-R ; cette deuxième version a été fabriquée en 1969 et 1970 à 2000 exemplaires, du n° 1248201 au n° 1250200. La plupart des boîtiers Leica M2-R furent livrés équipés du Summicron f:2/50 à mise au point rapprochée.

Conclusion : le Leica M2, un valeureux jalon vers le futur !
Après la révolution - tant esthétique que technique - apportée en 1954 par le Leica M3, le M2 magnifia en 1958 cet élan vers la modernité grâce à son viseur grand-angulaire ; comme ses ancêtres nés à Wetzlar, le Leica M2 s’avéra la pierre angulaire de la photographie de reportage, notamment dans les domaines de la vivacité d’action, de la discrétion et de l’available light (la lumière ambiante). Depuis des années, le Contax de Carl Zeiss ne parvenait plus rivaliser mais le Rolleiflex tenait bon ; si le Leica conservait une incontestable prédominance, les boîtiers reflex se diversifiaient et la haute qualité de certains devenait dangereuse... La voie était ouverte et Leitz y conduira le progrès en maintenant une qualité exceptionnelle. Le jalon suivant le plus important sera le Leica M5, au destin cependant assez malheureux sur le plan commercial en une période de féroce compétition où les choix technologiques furent difficiles à maîtriser, mais son flambeau sera repris par le Leica M6, et nous connaissons la suite - d’ailleurs riche d’interrogations ! Quoi qu’il en soit, comme son grand frère et leurs aïeux, le Leica M2 s’est affirmé comme un superbe appareil, qui a marqué l’histoire de la photographie ; ce modèle demeure l’un des rameaux les plus importants de l’arbre généalogique qui a fleuri à Wetzlar et est maintenant greffé à Solms !

Voici le M2 tel qu’il apparaissait dans une brochure en 1964.

Merci à Jean pour les documents mis à disposition.


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