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Leicaflex

(1964-1968) - Le fondateur de la série

lundi 14 février 2005, par coignet

Un premier boitier reflex

10 ans après le M3, il devenait urgent pour Leitz de proposer aussi un modèle à visée réflex, d’autant plus que c’est pendant cette décennie que tous les constructeurs proposent les boitiers 24x36 réflex qui vont s’imposer sur le marché, et supplanter les boitiers à télémètre. Le Leicaflex, premier modèle proposé par la marque en 1964 est un demi-succès, à l’origine d’une belle lignée.

Esthétique et ergonomie

Massif, le Leicaflex marque une rupture avec les productions habituelles de Leitz depuis la création du Leica. Le dessin des boitiers M, 10 ans plus tôt, semblait d’une géométrie épurée à l’extrême, intégrant de la manière la plus discrète possible les éléments de commande, comme le barillet des vitesses, la griffe porte-accessoire, et le petit levier d’armement plat. En revanche, le Leicaflex est fait de lignes tendues, d’angles vifs cernant des volumes massifs, de commandes très largement dimensionnées, en particulier le volumineux barillet des vitesses, disposé sur le même axe que le déclencheur et le levier d’ramement. Ce boitier impressionne aujourd’hui par sa densité, mais son format était habituel à l’époque, et pas plus imposant que celui d’un Nikon F.

Les commandes largement dimensionnées tombent naturellement sous les doigts, et, en particulier, le barillet des vitesses est d’un maniement souple, les vitesses étant affichées dans le viseur, sur un chenillard en bas de l’image de visée. Se dégageant très largement, le levier d’armement demande un assez important mouvement du pouce, mais surtout, a une facheuse tendance à s’enfoncer dans l’œil droit d’un photographe visant de l’œil gauche.

Maîtrise technique et fabrication irréprochable

Le Leicaflex présente à sa mise sur le marché en 1964 à la fois une prouesse technique remarquable, doublée d’une fabrication de qualité pas encore vue pour un boitier réflex, et des choix technologiques qui ont permis au système R d’évoluer jusqu’à aujourd’hui de manière harmonieuse, en intégrant les progrès de la technique, sans remettre en cause les principes fondateurs de ce premier boitier : très largement dimensionnée, la baïonnette a permis de créer des optiques lumineuses, avec de larges lentilles arrières, et, à mesure des évolutions techniques, d’implanter différents dispositifs de liaison mécanique et électronique avec les boitiers, sans remettre en cause la très saine conception d’origine. Depuis le Leicaflex de 1964 jusqu’au R9 de 2009, y compris avec son dos numérique à venir, la baïonnette est inchangée, seules des cames de commande ont été ajoutées, qui peuvent être implantées sur toutes les optiques depuis les premières produites.

Son chassis est en fonte d’aluminium injecté sous pression, et monobloc. Le capot supérieur est en zinc injecté sous pression, chromé. La semelle est en laiton chromé. Certains exemplaires ont été proposés laqués en noir. Pour la première fois, Leitz propose un boitier dont la semelle n’est pas amovible, et dont le dos s’ouvre avec une charnière.

C’est à l’usage que le Leicaflex révèle ses principales qualités : la visée est d’une luminosité et d’une finesse remarquable pour l’époque, et la mise au point est aisée. L’obturateur, qui est une évolution de l’obturateur à rideaux de la série M, a été porté à un niveau exceptionnel pour ce type de mécanisme : il est synchronisé à 1/100e, et propose des vitesses d’obturation de 1 s. au 1/2000e, ainsi qu’une pose B. Les vitesses intermédiaires sont utilisables entre le 1/60e et le 1/2000e. Le déclenchement est d’une douceur surprenante, sans retard sensible, (comme sur certains boitiers d’aujourd’hui, y compris le dernier R6.2). Le mouvement du miroir est parfaitement bien amorti, et permet des poses longues à la main levée en toute sécurité. Il est prévu de pouvoir verrouiller le miroir, pour l’utilisation de certains optiques non rétro-focus dont l’élément arrière pénètre dans la chambre du miroir (comme la première version du 21mm Super-Angulon). Enfin, il y a deux prises pour cordon de flash en façade, l’une pour flash électronique, et l’autre pour flash magnésique.

Des lacunes techniques criantes

Pourtant, alors que ce boitier témoigne d’un travail de recherche technique poussé, et d’une conception remarquable, il possède des lacunes qui ont pu être à l’époque considérées comme difficiles à accepter pour un matériel de cette classe : alors que d’autres marques ont déjà proposé sur le marché des boitiers réflex avec une cellule TTL, le Leicaflex doit se contenter d’une cellule externe, de surcroît non amovible, ce qui interdit toute évolution technologique (comme c’est le cas sur le Nikon F, sorti en 1959, et qui proposera en 1965 un viseur avec cellule TTL, mais comme c’est également le cas avec les Leica M3 et M2, pour lesquels les cellules sont des accessoires amovibles). Il est vrai que l’analyse de la lumière à travers l’objectif est une nouveauté : en 1962, Topcon a proposé son boitier RE qui possède la première mesure d’exposition TTL au monde. En 1964, l’année de sortie du Leicaflex, Pentax, avec son Spotmatic, et Alpa, proposent également des boitiers avec analyse TTL. La cellule de ce premier Leicaflex est disposée dans le capot du prisme ; elle présente une petite fenêtre, visible au-dessus de l’objectif à droite, et est alimentée par une pile, dont le logement se trouve immédiatement à proximité. Cette absence de mesure TTL sur le Leicaflex a été très critiquée à sa sortie, et se fait sentir encore aujourd’hui : ce boitier est perçu aujourd’hui comme présentant une technologie périmé. Autre manque criant, il n’y a pas de levier de contrôle de la profondeur de champ, et la griffe porte-flash ne permet pas l’utilisation d’un sabot synchronisé.

De magnifiques optiques et un système naissant

Dès sa sortie, le Leicaflex est proposé avec une gamme d’optique remarquable pour l’époque : un Elmarit 2,8/35 mm, un Summicron 2/50 mm, ainsi qu’un Elmarit 2,8/90 mm et un Elmarit 2,8/135 mm. Suivront dans la même année, faisant rapidement du système R un système complet avec lequel il faut compter, le Super-Angulon 3,4/21 mm (optique Schneider), puis en 1968 le macro-Elmar 4/100 mm, l’Elmarit 2,8/180 mm, et enfin en 1969 le modèle rétro-focus Super-Angulon 4/21 mm (également Schneider), le PA-Curtagon 4/35 mm à décentrement, produit lui aussi avec la collaboration de Schneider, le Summilux 1,4/50 mm, le Summicron 2/90 mm, et, fabriqué en France par Angénieux en exclusivité pour Leica, un zoom 2,8/45-90 mm. Ces magnifiques optiques, toutes d’une conception à la pointe de la technique de l’époque, au point que certaines ont été commercialisées jusqu’au milieu des années 1990 sans modification, comme le Super-Angulon 4/21 mm, trouveront un boitier presque parfait dès 1968, avec le Leicaflex SL, qui sera ensuite suivi en 1974 par le Leicaflex SL2, peut-être le plus beau 24x36 réflex mécanique mis sur le marché.

Une réussite commerciale pour Leitz

Le Leicaflex auprès de son successeur lointain, le R4 de 1980.

Ce premier modèle a été produit pendant 4 ans avant d’être remplacé par le Leicaflex SL. Il en a été vendu 37 000 exemplaires, soit à peu près la même quantité que de boitiers M pendant la même période. C’est donc, en dépit de défauts de jeunesse, une réussite, qui pousse Leitz à continuer le développement d’une gamme R qui s’impose peu à peu comme un des plus complets systèmes photographiques proposés.


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