Juillet au Vietnam

Jean-Yves
    Juillet au Vietnam
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Salut à tous, amis Summiluxiens :D !

Je commence un fil fleuve (que peut-être je devrai couper, on verra) sur un voyage au Vietnam que nous avons fait avec ma femme en juillet. Période de mousson, soi-disant, mais nous n'avons quasiment pas vu la pluie. Tout fout le camp. Je voulais faire un 'road book' et ma femme est habituée à mes facéties. J'ai réussi à ne pas trop l'emm....r avec mes arrêts intempestifs, qui préfigurent ce que seront mes pauses pipi dans 40 ans (si je suis encore là). Il faut l'habituer dès maintenant.

Nous avons fait un voyage classique, une traversée rapide (20 jours) du Sud au Nord, avec trois 'clous' obligés : Saïgon et le delta du Mékong, Hué et la côte vers Hoï An, Hanoï et la baie d'Along. Je ne vais donc pas vous esbrouffer avec des spots originaux...

Justement, il s'agissait pour moi de faire comme je fais d'habitude : essayer de me retrouver enfant au sortir de l'avion et prendre en photo ce qui me parait insolite (bienheureux les yeux pas encore blasés, et qu'il est difficile de photographier Paris quand on est parisien). Je voulais jeter un oeil du côté cour des guides touristiques, et capter les petites scènes de rue que j'affectionne, si riches en jeux visuels offerts par le hasard, au croisement du chemin des gens que je n'ai parfois même pas vus dans le viseur (et que je découvre au tirage) ou avec lesquels j'ai parlé et lié une relation éphémère grâce au portrait que j'ai fait d'eux (et que je leur enverrai).

Deux fois, le matin, je me suis levé de bonne heure et je suis parti en chasse : pour assiter au débarquement du poisson à Hoï An, et pour voir l'arrivée des maraîchers sur le pont Long Bien à Hanoï. Quand je suis en voyage, j'essaye d'être à 100% disponible à ce que je vois... quitte à me lever le matin pour faire une photo rêvée la nuit. En l'occurrence, ce sont mes deux meilleurs souvenirs photographiques.

J'ai emporté, dans un petit sac Billingham, mon 28 Voigtlander monté sur le Leica IIIf (chargé en 400 asa) et mon 'cron 50 "jaune" monté sur le M2 (chargé en 100, 200 ou 400 asa selon les arrivages, et avec le viseur externe SBOOI, pour le confort). J'ai acheté sur place un accessoire indispensable : de petits ciseaux pliants de couture, pour allonger les amorces (faute de quoi impossible de charger ces appareils anciens). Et j'avais ma cellule Digisix (c'était mon premier voyage avec elle).



Ce voyage est tout frais. Je m'en rends compte parce que j'ai encore dans l'oeil (pénible persistance rétinienne) quelques photos échappées. Il faut être tellement rapide... c'est tellement difficile ! Je me souviens notamment d'une femme poudrée, avec les lèvres peintes sous son chapeau conique, émergeant de la végétation comme une figure de proue à la pointe du sanpan qui la conduisait au marché de Cai Be et qui nous a croisés au détour d'un canal dans la mangrove du Mékong. C'était tellement irréel...Mais chaque jour porte son poids de regrets, de "passantes" que l'on n'a pas su retenir...

Parfois, au bout de quelques heures, on se surprend à photogtraphier n'importe quoi, et surtout n'importe comment. Être capable de garder la distance avec ce qu'on fait est pourtant nécessaire. Les Vietnamiens sont dans l'ensemble bienveillants à l'égard des photographes mais leur pays devient très touristique et ils sont menacés par le syndrome du zoo (je me comprends). Il faut donc savoir tourner sept fois son levier d'armement dans sa main avant de shooter, surtout à Hanoï. Parfois, j'ai vu une scène comme celle de cette première photo, en réalisant que j'aurais pu être moi aussi le photographe photographié :





J'ai fait cette image pour m'en souvenir. Puis une autre sans l'intrus :





Et je veux croire que ma photo est meilleure parce que pour le même prix, je n'ai pas seulement l'image d'Epinal, mais aussi son joli cadre doré. :wink:

Cela dit, il faut aussi s'assumer en tant qu'Homo sapiens avec un appareil photo autour du cou (quant à la cellule, que je portais aussi très souvent autour du coup, les gamins croyaient que c'était un téléphone portable dernier cri...). Pour cela, rien de tel que de céder l'appareil photo à la dame qui vous sourit, histoire d'inverser les rôles :



Ceci est donc le voyage d'Homo sapiens touristiquensis...
La suite au prochain post ! :wink:
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phipessac
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Belle introduction Jean-Yves ! Je me régale à l'avance de ce que tu vas
nous faire découvrir de ton voyage. Ta plume est aussi bonne que tes
images, cela mériterait d'envisager un livre genre "récits de voyages"
un jour. J'apprécie le "photographe photographié" qui nous remet à
notre place : c'est toujours bon de prendre un peu de recul par rapport
à notre façon de faire.
Philippe
Jean-Yves
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Il est encore une heure du mat' et je ne sais pas quand je serai assez frais pour commencer ! C'est qu'internet donne la possibilité de poster de manière quasi-illimitée (hein, Gautier ? :wink: ), mais quand même pas les 1200 photos que j'ai faites en 3 semaines. Je me suis dit qu'il fallait être raisonnable !! J'ai donc scanné... 600 photos (celles qui n'étaient pas floues olu pas surexposées, ou pas avec le bouchon à la place de la photo, selon une anecdote rapportée par Gérard Métrot :) !). Mais même 600 photos, ça ne le fait pas. Bon, alors j'ai sué tout dimanche après-midi à faire un véritable éditing : 6 photos que je vais tirer en 40x50 (pour mes murs, ça et là, je fais une rotation tous les ans) ; 36 photos que je vais tirer en 24x30 pour l'album (un album par voyage, celui-ci a été acheté sur place, il a de très jolis ais en bois laqué !), et 173 photos préparées pour le web. Cela fait en gros une dizaine de photos par jour de voyage. Un peu gros mais on peut prendre son temps, et discuter entre chaque post, c'est plus sympa. Je crois que je vais donc suivre un ordre chronologique... On verra bien pour les légendes... :P
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alain.besancon
    frustré
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Vieux briscard
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Ne le prends pas mal, bien au contraire, mais qu'est ce que je suis frustré de ne pas voir tes clichés en couleurs :lol:
J'ai mon meilleur ami qui veut absolument me faire visiter le Vietnam où il est déjà allé 2 ou 3 fois ... mais j'attends la retraîte pour être plus libre du choix de mes périodes d'absence!
Bravo,

Alain
M un jour, M toujours mais aussi CL et Pixii
Jean-Yves
    Le Mékong
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En arrivant à Saïgon, nous avons pris le bus pour rejoindre le centre-ville. Le bus public, pas les navettes. Mon premier regret est de ne pas avoir eu le temps de sortir l’appareil : à 3 minutes du départ annoncé, le bus était vide, le chauffeur affalé sur son siège en position couchette, les orteils pianotant nonchalamment sur son volant.

Largués en plein centre-ville, nous mettons 5 minutes à traverser l’avenue : pas de passage piéton, et un trafic incroyable. Il faut prendre sa respiration et se lancer. Protégé par un dieu incroyablement efficace, un flic rigolard nous y a aidé, en créant de son corps un obstacle à la circulation.



277-04 : Quatre-vingt dix neuf pour cent des véhicules sont ces petites motos, presque au touche à touche, et qui roulent relativement lentement (toutes à la même vitesse). Elles remplacent vraiment les voitures et même les fourgonnettes !



277-27 : Nous décidons d’aller dès le lendemain à Vinh Long, pour visiter les bords du Mékong. Nous prenons le minibus, climatisé et nettement plus confortable, sauf qu’on dirait qu’il a été conçu pour des Lilliputiens. Arrêt obligatoire à mi-chemin, dans un routier sous auvent assez bigarré, où je fais cette photo.



278-04 : Vinh Long est une bourgade de campagne située sur les rives d’un des sept bras du Mékong. On est à plus de 100 km de la mer mais il y a ici des marées de plus d’un mètre ! L’activité principale est évidemment le marché, tourné vers le fleuve. L’arrière des échoppes donne sur des appontements où les marchandises transitent, comme ces ramboutans.




278-08 : Un petit affluent du Mékong drainent l’arrière du port de Vinh Long. Le courant de la rivière est ici trop faible pour nettoyer ses rives, où s’accumulent les débris végétaux charriés par le Mékong, comme ces fleurs de lotus, témoins déchus de la beauté des jardins qui agrémentent les berges de toutes les îles du fleuve en amont.




278-10 : Au marché de Vinh Long, côté rue. J’oscille en permanence entre l’affût photographique qui tend à une pure captation des formes, et le plaisir de faire un reportage qui nourrira mon récit. A quoi pensait cette femme qui pourrait avoir un rapport avec notre voyage ? Personne n’en saura jamais rien.



278-36 : Le marché de Vinh Long est touffu, sombre, avec des allées étroites aux sols gluants et odoriférants, un vrai cloaque organique digne de Cendrars. La viande y est magnifique, et aucune mouche ne s’y pose.



279-28 : Au marché de Vinh Long, côté cour. Les clientes sont bien gainées dans leurs jolies tenues claires, aux pantalons si seyants. Les gamins sont au spectacle. Au marché, les démons de la géométrie reviennent : remplir l’image, à tout prix…



279-35 : Au marché de Vinh Long. En m’approchant, j’ai presque cru que cette botte de raves ferait une forêt dans laquelle la marchande serait protégée. Elle ne semblait toutefois pas gênée par l’appareil. Nous avons trouvé très peu d’occidentaux à Vinh Long, pourtant en bonne place dans les guides touristiques.



279-37 : Aux appontements de Vinh Long. Ces jeunes attendent que la cohue qui est dans mon dos s’éclaircisse pour débarquer leur chargement (de cocos ?).



280-amorce : Zut, j’ai commencé le film trop court. Faut-il ou ne faut-il pas garder les amorces. La préservation d’un beau moment ne tient pas à grand-chose. La photo est si fragile.



280-00 : Au marché de Vinh Long. Une chose particulière, que nous n’avons pas retrouvée ailleurs, est la quantité de reptiles vendus comme biens de bouche. Sans compter les grenouilles, qui continuaient de bondir partout une fois écorchées et coupées en deux.



280-02 : Au marché de Vinh Long. Ce gars est arrivé avec un chargement démentiel de cochons, tractés par son cyclo. Cela me rappelle une photo ratée, depuis la fenêtre du bus, d’un garçon portant dans ses bras un porc déjà bien costaud, le tout monté en croupe sur une petite moto conduite par le papa. Trois kilomètres plus loin, nous avons retrouvé tout ce petit monde par terre, le garçon un gourdin à la main : le cochon gigotait trop, il avait fallu l’assommer pour pouvoir continuer la route.



280-07 : Vinh Long. Petite sieste à l’abri du camion avant de décharger…



280-08 : Au marché de Vinh Long. Le marchand de noix de cocos, à l’heure de la sieste. On reste sur place toute la journée et une partie de la nuit, pour ne pas rater une vente.



280-19 : Nous partons en bateau sur le Mékong, ou plutôt dans le dédale des bras du Mékong, entre les îles d’An Binh. C’est assez construit. Ici, le métissage des cultures, de la protection quasi-animiste des yeux de proue à celle de la Croix qui la toise.



281-07 : Marché flottant de Cai Be. Sur l’autre rive du Mékong, Cai be est célèbre pour ses regroupements de bateaux. Certains maraîchers ou pêcheurs ont navigué plusieurs jours pour venir jusqu’ici vendre leur cargaison. Ils restent à bord et c’est à bord qu’ils sont visités et que les affaires sont faites, essentiellement par les détaillants du marché de Vinh Long. Tout cela, cette photo ne le dit pas. Mais j’ai été effrayé un instant par le rapprochement visuel entre cette jeune femme distraite et cette hélice monstrueuse qui fondait sur elle.



281-26 : Marché flottant de Cai Be. La densité de bateaux est très grande. On peut presque passer de l’un à l’autre à pied. Paradoxalement, dans cet univers aquatique, ça négocie sec.



281-35 : Marché flottant de Cai Be. On vit à bord, cuisine et lessive. Quand on a tout vendu, on se fait beau, avec une belle chemise éclatante, on descend dans l’annexe, où les tongs vous attendent, et on va faire un tour au village. Sauf si la chemise est tombée à l’eau entre-temps, évidemment.



281-36 : Marché flottant de Cai Be. Ces perches arborent des échantillons de la marchandise disponible à bord.



282-03 : Cai Be. Nous nous arrêtons chez des artisans qui fabriquent de délicieuses confiseries, à base de lait de coco et de riz. Ces crêpes de riz, cuites à la vapeur sur des toiles de soie tendue, sèchent maintenant sur des claies de bambou.



282-15 : Mékong. Même à la campagne, les femmes essaient de se protéger au maximum du soleil, car le hâle n’est pas un critère de beauté en orient.



282-20 : Dans une maison coloniale sur les bords du Mékong.



282-24 : Nature morte sur les bords du Mékong.



282-29 : Jardin zen de Binh Hua Phuoc, sur l’île d’An Binh. Un de ces moments rares où quelque chose fait qu’on déclenche au bon moment (une fois sur mille). Sans ce chat noir, aurais-je photographié ce jardin ? Cela a de quoi vous libérer à jamais des entraves de la superstition.



283-09 : Jardin zen de Binh Hua Phuoc, sur l’île d’An Binh. Même raison de faire la photo. Ici, au 28, les marqueurs d’espace sont nécessaires. Et les bonzaï séculaires retrouvent une place respectable dans la vaste nature.



282-37 : An Binh. Dans les recoins du Mékong.



283-12 : Briqueterie de Vinh Long. Comme les Chinois de Xian avaient fabriqué une armée d’argile pour accompagner dans la tombe leur premier empereur Qin Shi Huang, les Vietnamiens sont en train de faire sécher une armée de chats. Un peu matou vu, mais assez attendrissant.



283-15 : Briqueterie de Vinh Long. Au débarcadère, au 28. J’ai toujours l’horizon qui penche à droite. Heureusement que le quai est à gauche, sinon bonjour l’inondation.



284-11 : Briqueterie de Vinh Long. Toute une batterie de fours comme celui-ci abritent des pyramides de briques à cuire. C’est avec des enveloppes de grains de riz que la combustion est assurée. Ces filles, tout en plaisantant et riant, testent la résistance des briques au sortir du four. Les briques fêlées sont éliminées.



284-16 : Briqueterie de Vinh Long. La salle d’exposition des réalisations les plus spectaculaires. Yoda y cotoie Bouddha et les chats. Mais Dieu que les Vietnamiennes sont belles. Aïe, non chérie je parlais à mon bonnet…

La suite au prochain numéro... :wink:
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Rico
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Jean-Yves,

Magnifique, j'attendais silencieusement ce moment d'aventure avec impatience. Vivement la suite...L'ensemble de ces photos sont faites au 28 ?

Cordialement.
EIL
Enrok
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beau voyage, belles photos, beaucoup de travail (labo...ratoire), de beaux chats (surtout la photo avec le chat noir)....
t'es plus rapide que moi, j'ai encore mes pellicules de vacances à developper... (labo....rieux :D :D :D )
bravo!
phipessac
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Comment ? Tu ne vas nous montrer que 173 photos ? Pas sympa...

Superbes photos et commentaire vivant, tu as un don pour raconter
les choses en images et en mots. Un vrai régal, merci de nous offrir
cela et d'y passer un temps fou (j'imagine).

Bon, je vais chercher une bière et du pop-corn et je reviens :wink:
Philippe
Jean-Sébastien (Focus16)
    Re: Le Mékong
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Jean-Yves a écrit :
278-36 : Le marché de Vinh Long est touffu, sombre, avec des allées étroites aux sols gluants et odoriférants, un vrai cloaque organique digne de Cendrars. La viande y est magnifique, et aucune mouche ne s’y pose.


C'est à cause de l'insecticide qu'on vaporise dessus :shock: . En tout cas, c'est ce qui pratiquait sur plusieurs des marché africains que j'ai fréquenté dans l'une de mes anciennes vies.


Sinon, merci de nous faire découvrir un pays où je ne suis pas encore allé. Excellentes photos de voyage.
jeb
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Jean-Yves: tu nous emmènes dans un passionnant voyage en NB. C'est un régal, merci!!! Et j'admire aussi la maîtrise, le savoir-faire, bien sûr - mais c'est surtout la sensibilité, l'human touch qui me ravissent. Bravo.
Jean-Yves
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285-06 : Retour à Saïgon. Marché de Cho Binh Tai - je n’utilise pas les accents, nombreux et pointus, du Vietnamien transcrit en alphabet latin. C’est dans le quartier Cholon, le quartier chinois, un lieu trépidant. Comme dans tous les marchés couverts asiatiques, c’est le souk (paradoxalement). Les allées sont très étroites, et on étouffe dans ce caravansérail alcatrazien où des commerçants vivent vingt heures par jour éclairés par des néons blafards. Les cousines se rendent heureusement visite, et le petit dernier fait le spectacle…
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Jean-Yves
    Saïgon
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286-17 : Saïgon. Marché de Cho Binh Tai. A la périphérie du bâtiment construit de trois étages qui constitue le cœur du marché, dominé par les vêtements, les cosmétiques et l’ameublement, il y a des hangars où se vendent les biens de bouche. Ici, une marchande d’épices au milieu de ses pots. Chaque entaille dans l’alignement correspond à une petite loge où une commerçante vous sert. Il n’y a pas de sortie sur l’arrière. La liberté, au fond à gauche.




286-22 : Saïgon. Marché de Cho Binh Tai. Il y a quelques visions marquantes qui restent comme la signature du voyage. Dans ce marché, l’homme marchand est intimement imbriqué dans sa marchandise. Il ne se ménage que la place strictement nécessaire à la manipulation du stock, au service duquel ce pauvre tabouret est réservé – l’homme, lui, mange et dort par terre. Je suis arrivé à l’heure du journal, qui est sacrée comme on le verra plus loin. C’est une de mes meilleures photos clandestines, une photo à cœur battant… Tout ça pour constater, une fois de plus, que c’est le cordonnier le plus mal chaussé.



285-08 : Saïgon. Il n’y a pas d’heure calme. Le nombre d’accidents est faible au regard de la densité de piétons sur la route. Bien sûr, comme on le voit ici, il y a quand même quelques gamelles… Par ailleurs, tous les types d’attelage sont autorisés (et foin des œillères). On est facilement aux premières loges, mais comme partout il y a des blasés qui préfèrent lire la partition que de regarder la mise en scène. Celui-là, quand même, était particulièrement gratiné, posé sur son cyclo en plein milieu de la chaussée, avec son petit journal. Ou bien est-ce un exercice zen ?



285-09 : Saïgon. Ce gars me donne l’impression de déplier l’image comme un soufflet. De quoi s’agit-il ? D’un auvent de gargote ambulante ? Peut-être mais cela n’a aucune importance en face de l’effet produit. Evidemment, il va de soi que ceci s’observe sur une des grandes artères de la ville : c’est plus facile pour faire rouler ce bazar !




287-17 : Saïgon. Il y a 15 ans, paraît-il, tout le monde était à vélo. Mais ça fait pauvre et depuis le niveau de vie a monté. Quatre-vingts pour cent des cyclos sont d’ailleurs fabriqués en Chine (ce qui n’était pas le cas à l’époque) et coûtent moins de 300 dollars. Des publicités en font le véhicule familial idéal (à condition de ne pas avoir plus de … deux enfants !).



285-14 : J’ai beaucoup roulé en cyclo, en tant que passager. Une course vaut 6000 dongs, mais les touristes à appareil photo comme moi payent rarement moins de 10 000 dongs, ce qui fait 50 cents. Les cyclos-taxis sont encore plus lents que les autres, et toujours en sous-régime, pour limiter la consommation. Du coup, il n’est pas dangereux de lâcher une main pour faire des photos. Avec un réglage minimum syndical, évidemment, 1/1000e de seconde et f :5,6 sur une MAP à 10 m. C’est le seul moyen de rendre compte de ce flot incroyable de globules humains dans les veines grises de la ville.




285-17 : Saïgon. Il y a beaucoup de défilés et autres kermesses politiques de par la ville. Ici, une remise de médailles chez les scouts, sous l’œil bienveillant du général Ho Chi Minh, qui fait l’objet d’un culte absolu encore aujourd’hui, 36 ans après sa mort. L’enceinte était sévèrement gardée, pas question qu’un zozo vienne jouer les trouble-fête.




285-18 : Saïgon, à la terrasse d’un hôtel de luxe. Il y a parfois de petits relents de kitsch dans la déco, mais ce qui serait ridicule à Paris est formidable ici. C’est mon premier éléphant ; il y en aura un autre à mon tableau de chasse, à Hué, quelques jours plus tard.




287-06 : Saïgon, temple Giac Lam. Quelques enfants attendent de partager les bananes que leur donnent les nonnes, qui terminent leur repas à l’intérieur. Ils traînent, ils rêvassent dans les travées d’un petit cloître entourant un bassin. La plus grande des filles regarde fixement une petite tortue qui barbote dans ce bassin. La cadette fait des simagrées depuis qu’elle m’a aperçu. Quant à la petite, elle n’a pas le temps de réaliser que je viens de faire une photo. Par la suite, elle détournera systématiquement la tête. La fille de dos ne me boude pas, mais elle est distraite par autre chose, je ne me rappelle plus quoi. A droite, on distingue une touffe de cheveux et une chemise blanche : c’est un garçon qui n’arrête pas de me demander un dollar pour la photo. Sans pitié, je l’exclus du cadre (pas assez, justement, mais c’est le problème de la visée rapprochée avec le 5 cm SBOOI, et cela fait que je me souviens de l’anecdote).




287-09 : Saïgon, temple Giac Lam. Les bas-côtés du temple abritent des autels surmontés d’ex voto et sévèrement gardés par des chandeliers électrifiés. Le tout est en bois peint de rouge et d’or, ce qu’il faut croire en regardant cette photo N&B. Mais on a la Foi ou on ne l’a pas.




287-14 : Saïgon, temple Giac Lam. Aux abords du temple, sous l’œil amusé de Bouddha, des jeunes se livrent à une partie de badminton à la vietnamienne : sans raquette. Le volant est assez lourd, et le but du jeu est de le jouer avec l’intérieur ou mieux l’extérieur du pied (contrôle de poitrine autorisé). L’adresse des joueurs est incroyable, et c’est là que j’ai vu mes plus belles ailes-de-pigeon.
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herisson
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Le Mans
Excellent !

J'émettrai toutefois des réserve sur celle des scooters, où, AMHA, la notion de "presse" n'est pas assez forte (la 285-14).

Pareil, dans le temple Giac Lam, j'aurais bien aimé avoir "tout net"... Impossible avec la lumière, je sais... :oops:

Super quand même !

La bestiole à piquants...
Jean-Yves
    Encore Saïgon...
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283-23 : Saïgon, temple Giac Lam. J’ai longuement attendu le passage des moines qui s’activaient sur ma droite dans leur longue robe blanche, mais ils ont quitté la pièce sans passer devant le petit décor que j’avais spécialement préparé dans mon cadre. C’est mieux ainsi. Car c’est surtout le silence des idéogrammes qui habite ces lieux.




283-25 : Saïgon, temple Giac Lam. Dans le jardin du temple, cet assemblage pour nous hétéroclite : une borne kilométrique déguisée en stèle, un pot de fleurs où l’encens reprend, un morceau de calcaire karstifié en guise de statue, et ces autels portatifs ou de petits saints sont confortablement installés. Tout cela, évidemment, sous l’œil de Bouddha, qui lui aussi trouva la révélation à l’ombre d’un banian.




285-34 : Saïgon. Petit déjeuner avec nos cyclos-pousse. Ces deux gaillards nous avaient alpagué la veille et, las de résister aux sollicitations, nous avions succombé au plaisir coupable (quoique, tout dépend du tarif) de faire un tour dans ces engins dessinés exprès pour les photographes (je veux dire : photogéniques, et vigies mobiles idéales pour explorer la ville le Leica à la main). Le lendemain, nous leur avions fixé rendez-vous pour le départ. Ils y étaient, et d’eux-mêmes ont commandé le café qu’ils nous ont offert. On voit, derrière, la ‘boutique’ et la cafetière, qui détourne la tête devant l’appareil. Eux, en revanche, sont très fiers de se montrer. Je prends leur adresse, je leur enverrai la photo. Pendant que Béa signe leur livre d’or et que le café percole dans des couscoussiers microscopiques, dont le compartiment inférieur fera office de verre, je me lève et je fais la photo. Quand je me rassieds, je réalise qu’au fond du verre il y avait une épaisse couche de lait concentré sucré, que je déploie dans le café en onctueuses volutes blanches.




286-27 : Saïgon. Petite séance photo à bord du deuxième cyclo-pousse. Deux nonnes nous doublent, bien emballées dans leurs robes blanches. Il fait environ 37°C.




283-26 : Saïgon. On voit quelques chiens et chats dans les rues, mais rarement des scènes comme celle-ci, prise en moto. Le cheval, la plus noble conquête de l’homme après la bicyclette.




287-22 : Saïgon. Censément le quartier du routard. On s’installe à la terrasse d’un café ‘disco’, au croisement des rues De Tham et Bui Vien, et on attend en sirotant une Halida. En une heure de temps, il est quasiment passé de tout par ce carrefour banal, des équipages les plus pittoresques. On peut sillonner une ville à la recherche du Graal photographique. On peut aussi attendre que toutes les images s’écoulent en un seul point. Car je suis persuadé que, d’une manière ou d’une autre, c’est de qui finit par arriver. J’ai fait une trentaine de photos à cet endroit, dont celle-ci. Cette moitié de jolie fille et la moitié de cyclo qui en est le pendant sont bel et bien mon sujet. Mais ce sujet est relégué au niveau du subliminal si on considère qu’il ne forme que le cadre d’une photo plus classique, celle qui se déploie au second plan de cette scène vide, et qui montre simplement ce qui se passe dans la rue. Cela dit, même ce fond de décor joue juste, comme dirait Le Querrec, avec cet échantillon complet des véhicules les plus typiques de la ville, figés dans leur mouvement et toutefois répartis comme au studio…




287-35 : Saïgon. La suite de cette série : « qu’en un jour, en un lieu… », comme disait Boileau. Nous avons souvent remarqué des cyclistes se tenant sur le porte-bagages, et pas sur la selle, même quand celle-ci n’était pas déjà occupée. Ce petit air de ‘custom’ est peu seyant et probablement très peu confortable. Est-ce encore un exercice zen ? Ou bien y a-t-il là-dessous un remède secret contre la phlébite ?




288-00 : Saïgon. J’en suis à mi-bière, je viens de changer de pellicule. Sur ma droite surgit cette femme, en longue tunique blanche, avec un visage de madone. Impossible de savoir si ce n’était pas une religieuse (car j’en ai vues dans des tenues semblables). Je fais la photo sans réfléchir, dans le même temps qu’elle détourne la tête. Pourtant elle ne s’enfuit pas, elle passe lentement devant nous. Au développement, je me rends compte que son regard, limité aux deux dimensions de l’image, semble dirigé vers le cyclo-pousse. J’ai aussi la sensation bizarre que ce n’est plus un cyclo-pousse, mais une chaise roulante, et que cette belle infirmière va se mettre à la pousser.




288-05 : Saïgon. J’ai à peine le temps de récupérer que la pompe à hormones se remet en marche sur ma gauche. Je fais voie d’eau de toutes parts, devant ses tuniques diaphanes. Je tire. Après je souris, avec un peu de retard sur la demoiselle qui m’a débusqué. Remarquez que les deux jeunes filles se tiennent les bras enlacés, dans ce geste que j’ai toujours trouvé charmant chez les apprenties de la vie, préfigurant inconsciemment la parade amoureuse.




288-18 : Saïgon. Le temps se couvre un peu, comme le cœur se serre quand passent ces tricycles à pédalier manuel. On tourne le volant, et pour avancer on l’utilise comme un manche à balai, en l’actionnant alternativement d’avant en arrière. La plupart des gens que nous avons vu dans ce curieux équipage n’étaient pas amputés, mais tous probablement suffisamment handicapés pour ne pas pouvoir circuler à vélo. Au Vietnam, l’histoire n’est pas inscrite dans les monuments mais dans les corps meurtris.





288-24 : Saïgon. A l’heure de la sieste, deux taxis en mode pause. J’aurais aimé m’approcher et trouver un cadrage plus original, mais je ne voulais pas me donner en spectacle de flagrant safari car en fait les deux camarades ne dormaient pas : il ne faut pas rater une course, au cas ou. Remarquez la position, très difficile à tenir sans un étai dans le dos. Toujours le zen, qui maîtrise ces corps de bambou mieux que la gravité zéro.
"La perfection des outils et la confusion des objectifs sont deux grandes caractéristiques de notre temps." Albert Einstein.
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Je suis ce voyage depuis le début, toutes ces images et textes sont superbes, merci de nous faire participer à ton voyage, ca bouge ca vit et j'aimerai un jour pouvoir en faire autant. Merci de photographier l'homme (très difficile pour moi).
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