Telcantor a écrit :
Mon prof' de photo avait eu cette remarque, concernant Vivian Maier que, comme elle n'avait rien fait de ses photos, ce n'était pas une véritable photographe...
Je ne sais pas si vous retranscrivez exactement les propos de votre professeur de Photographie, mais si cela s’avère véridique il faut convoquer urgemment
le conseil de discipline de votre école.
De
la part d’un pédagogue c’est surprenant, pour ne pas dire plus.
Il ou elle, commet une grave erreur de jugement. Comment peut-on émettre un jugement esthétique de
la sorte en se basant sur «ce que l'on fait de ses propres images» ? Cela ne veut rien dire.
Cela me fait penser à
la fameuse réplique ségalienne « Si à 50 ans on n’a pas de
Rolex, on a raté sa vie ».
D’abord il faudrait définir ce qu’est vraiment un photographe ? À notre époque où toutes les disciplines se sont entrecroisées il devient difficile de nommer véritablement
le médium
et surtout sa pratique, alors son praticien ? Andy Warhol était quoi ? Ou qui ?
Selon
la définition
la plus admise, un photographe est une personne qui prend des photographies.
Ce qui n’est déjà pas mal comme hypothèse
et peut rassurer tout
le monde.
Peu importe
le typage,
la nomenclature,
la catégorie, l’important c’est de faire.
Et de
le faire bien.
Laissons
la délimitation aux autres. Ce sont les marges qui font
la substance.
Le Moyen Âge, majoritairement dominé par l’anonymat
et la pensée collective, ne semblait dessiner une identité d’auteur, l’oralité suffisait.
L’invention de l’imprimerie a permis de diffuser les connaissances
et leurs créateurs.
Que dire des pamphlets qui se vendaient incognito sous
le manteau.
Les régimes totalitaires ont généré des artistes inconnus du monde. Que l'on découvrira qu'à leurs effondrements.
Si je comprends
la pensée de votre professeur, bien de notre époque d’ailleurs, il faut se faire remarquer, faire du bruit, se faire visible pour exister. L’agitation,
le grondement, l’éclat sont des signes qui ne peuvent tromper. De plus, si cela s’accompagne d’une certaine valeur spéculative (déterminée par
le marché
et bien-sûr par ses experts) il y a forcement reconnaissance.
Peut-on qualifier un artiste à sa valeur marchande ?
Combien de personnages « classifiés » artistes de maintenant sont tombés dans l’oubli pendant des décennies, voir des siècles.
Van Gogh qui n’aurait vendu qu’un seul tableau de son vivant était-il un peintre ?
Les hommes du Paléolithique étaient-ils des artistes ? Reconnus par leurs congénères de surcroît ?
Salieri était plus reconnu que son homologue Mozart, qui devait batailler pour survivre.
Ne parlons pas des premiers impressionnistes
et de leurs Salons des Refusés.
Adget n’a vraiment eu
la postérité que peu de temps après sa mort.
Lartigue aussi, a eu une reconnaissance de photographe tardive, d’ailleurs qui connaît ses tableaux ?
Kafka n’a pas attiré
la lumière des critiques sur lui.
E. Brontë publiait sous pseudonyme.
Et que dire des artistes de Jazz incompris aux États-Unis, venus exercer leurs talents à Paris.
...
Pour autant dans
le cas de Vivian Maier nos marchands du Temples s'appiuent sur
le mythe romantique de l'artiste maudit pour vendre. Cela ne fait aucun doute.
Si j’extrapole
la maxime de votre mandarin qui fait
le procès de l’anonymat en matière d’Art
: si
la Photographie est votre béquille existentielle
et que vous ne vendez pas, c’est que vous avez raté votre vie !
Double sanction.