"Passivité pragmatique" est moins détestable que "Pragmatisme aveugle" comme j'ai déjà pu le lire à propos de Paul Wolff, mais dénote de la part de son auteur au mieux une méconnaissance des conditions de vie d'un photographe à partir de 1930 en Allemagne, au pire une morgue condescendante pour le moins déplacée.
Paul Wolff n'a jamais été encarté au parti nazi, ni même apparenté. Il n'a jamais travaillé sur des commandes officielles, il a simplement fait son boulot parce qu'il avait, avec son associé Alfred Tritschler, une entreprise à faire tourner et une famille à nourrir. A l'époque le choix était assez simple, soit on collaborait, discrètement ou ouvertement, c’est-à-dire qu'on acceptait les commandes du régime, comme Albert Renger-Patzsch, avec un risque de retour de bâton ultérieur (je me suis toujours demandé comment Riefenstahl avait pu passer entre les gouttes), soit on refusait de collaborer, et le régime avait à sa disposition quelques moyens de faire regretter cette posture, soit on passait entre les gouttes en poursuivant son activité et sans se compromettre. C'est ce qu'on fait Wolff et Tritschler.
Ont-ils fermé les yeux quand la fumée piquait un peu, oui, bien sûr, mais comme l'écrasante majorité des allemands... et des Français, et d'autres d'ailleurs. L'exposition qui a a été consacrée à Wolff et Tritschler au Leitzpark à Wetzlar en 2019 & 2020 montrait la vie en Allemagne sous les années 30 mais sans réelle complaisance. Il n'y avait bien entendu aucune image critique à l'égard du pouvoir, mais quelques détails montraient que cette vie se déroulait dans un cadre pesant (c'est un euphémisme...).
J'aimerais un peu plus de compréhension et un peu moins de sous-entendus vis à vis de quelqu'un qui, en plus, a payé un lourd tribu familial à la guerre. Mais il est vrai que les critiques et pourfendeurs d'aujourd'hui n'ont pas connu l'Allemagne des années 30.