Passionant ce fil.
Je suis d'accord avec la référence à Descartes, si on l'entend jusque dans ses implications dernières. Le père René était, contrairement à la légende, un grand mystique. Il a par exemple écrit quelque part (à Catherine de Suède je crois mais je n'en suis pas sûr) que Dieu aurait très bien pu créer un monde où 2 et 2 font dix et ou ça nous aurait paru rationnel avec la même évidence qui nous fait croire que 2 et 2 font 4.
Appliqué à la prise de vue, ça voudrait dire que les scènes ont une cohérence qu'il ne nous appartient pas d'organiser, mais qui s'impose à nous. J'agrée sur ce point.
Sauf que comme nous sommes imparfaits, et que nous sommes des sujets, il y a bien une élection à un moment : on déclenche à tel moment et pas aux autres, avec cet angle et pas un autre, ce cadrage et pas un autre. Les paramètres qui amènent à cet acte sont un subtil mélange de contraintes imposées par la situation et de libre-arbitre, avec toutes les ambiguïtés afférentes.
Personnellement, c'est ça qui me fait grimper aux rideaux quand je fais des photos : sentir que je suis au plus près de cet ambiguïté, en la ressentant aussi subtilement et fortement que possible. Je ne sais pas si c'est de ça que HCB voulait parler.
Ca me rappelle aussi le concept d'action juste chez les stoïques : l'univers a une organisation donnée, et la raison, qui est la faculté de comprendre cette organisation, nous permet de déterminer quelle action correspond à l'ordre préexistant. Pareil en photo, sauf qu'on n'a pas le temps de réfléchir et que la raison se retrouve vite dépassée par les évènements. Et ça aussi je trouve ça formidable.