Professionnel ou pas d'ailleurs... Après, le refus d'être photographié doit être accepté, ce qui est gênant est ici la forme qu'il a prise : le syndicaliste a perdu la maîtrise de lui-même (dans un contexte militant où la colère est requise, qui
manifeste d'autant mieux tout ce qu'il y a de provocation chez Banier).
Que l'aristocratisme du débraillé cultivé par Banier constitue une violence symbolique pour celui qui prétend incarner la "France prolétaire" ne justifie effectivement rien : répondre à ce qui est vécu comme une agression par une autre forme d'agression s'explique psychologiquement sans que cela constitue une justification.
Mais il n'y a pas là événement, simplement symptôme de la provocation que dégage l'attitude de Banier, mais aussi d'une époque qui se vit comme faisant face à une crise intellectuelle, ne se construisant plus dans l'idée de projets grandioses (la fameuse "fin des idéologies") et regardant avec scepticisme tous ses anciens idéaux (or il en faut pour faire société, celle-ci étant une institution...
La crise politique et morale se signe là dans la confusion qui règne entre la sphère de la justice, celle de la moralité individuelle et celle des rapports sociaux, confusion qui témoigne d'une tendance moralisatrice entretenue par la presse, qui participe à lever la vindicte populaire contre les boucs-émissaires du moment.
La question à poser serait donc peut-être plutôt de savoir pourquoi cet incident peut avoir un intérêt médiatique : ce type de réaction n'est pas rare de la part d'un sujet photographié qui a l'impression que le photographe se moque du monde en le considérant comme une bête de foire (il y a un côté entomologiste semble-t-il chez Banier). Pourquoi donc en faire un événement (si ce n'est justement parce que cela signe les tensions propres à toute période qui se vit comme période de crise) ? Qu'il signe quelque chose tant dans l'attitude de Banier que dans son exposition médiatique (mais est-ce bien différent ?), nécessairement, mais quoi de plus ?
Il n'y a au fond qu'un non-événement qui ne fait que souligner ce que l'on savait déjà...
... dis-je après avoir écrit tout ça !