Bonjour à toutes et à tous !
Je reprends la plume électronique à propos de "La Maison du Leica" : je suis d’accord avec tout ce qui a été écrit ici sur ce fonds de commerce (bien résumé notamment par Philou et Phipessac) et n’en rajoute pas, la barque étant déjà pleine. Souvenons-nous cependant, comme le souligne Laurent A, qu'"en ce bas monde, rien n’est tout à fait blanc et rien n’est tout à fait noir"...
Niala, je commente ton message initial sur ce sujet…
1) Inutile d’envoyer une copie à "La Maison du Leica", ni à "Leica-Camera" : je suppose qu’ils consultent fébrilement Summilux et sont donc déjà au courant…
2) J’ai déjà vu, voici assez longtemps, les deux boîtiers Leica M2 que tu évoques : effectivement, il était choquant que ces pitoyables appareils fussent ainsi exhibés en vitrine (et à ce prix), c’était incompréhensible. J’ai pensé que le viseur de l’un des deux, tout irisé, était même inutilisable. Ces deux boîtiers n’étaient plus exposés Samedi : est-ce le résultat de ton message ?
3) Tu évoques un boîtier Leica M2 laqué noir exposé en vitrine : effectivement, ce boîtier trône depuis des mois, peut-être même un an, en état apparemment neuf… Voici mon avis : il s’agit d’un "faux" M2 laqué noir ; son numéro (993751) correspondant à un M2 chromé de 1960. Ce boîtier a été décapé de ses deux revêtements électrolytiques superposés (nickel + chrome) : le laiton a ainsi été mis a nu, puis laqué noir. Cette transformation a peut-être été effectuée par Shintaro, un artisan japonais spécialisé dans le laquage :
http://homepage2.nifty.com/Shintaro/top1.html
(de nombreux leicaïstes américains adorent ce genre de "customisation")
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un "faux" M2 laqué noir, néanmoins proposé par La Maison du Leica à 4490 € (pour ne pas afficher 5000 € !), un prix assez comparable à celui d’un véritable Leica M2 noir, laqué noir d’origine ! Pour clore ce sujet, je précise que 1851 boîtiers Leica M2 laqués noir ont été fabriqués (estimation d'après Rogliatti), ou seulement 1580 (estimation d'après Pacific Rim Camera). Un authentique Leica M2 laqué noir est devenu très rare, car ces boîtiers - déjà peu courants au départ - furent intensivement utilisés par des reporters, notamment pendant la guerre du Vietnam ; certains furent perdus ou détruits et les boîtiers rescapés sont souvent plutôt abîmés…
Actuellement, dans le petit musée à l’intérieur de "La Maison du Leica", sont exposés deux Leica M3 laqués noir (modèle un peu moins rare que le M2 laqué noir). Dans la vitrine, bien garnie, il y a entre autres deux Leica IIIg (1270 €), un authentique Leica M4 laqué noir (3590 €) et ce comble du mauvais goût qu’est le Leica M4 "gold" (5990 € pour ne pas afficher 6000 €, navrante astuce psychologique !).
4) Le bruit du déclenchement d’un Leica M : pour plaisanter je dirai que ce n’est pas vraiment un bruit, mais un léger chuintement… Ce son n’est pas toujours exactement le même, probablement en raison de l’état de la lubrification ; certains Leica "M" "claquent" un peu, tout étant relatif ! Le Leica M5 est étonnamment discret, pourtant il comporte en plus le système de petit bras pivotant du posemètre… Comparativement, les boîtiers Leica à pas de vis sont nettement plus sonores que les boîtiers "M". Oui, Niala, le Leica M2 est vraiment "top", comme tu l’écris, à tous points de vue…
5) Pourquoi les boîtiers Leica actuels ne possèdent-ils pas de retardateur ? Je suppose qu’une étude de marché a montré que peu de photographes se servent de ce mécanisme d’horlogerie assez coûteux à fabriquer (mais je suis d’accord avec toi, c’est néanmoins très utile dans certains cas) ; l’emplacement du retardateur est occupé par la pile, qu’il fallait bien loger quelque part.
6) Niala, tu demandes où voir un véritable Leica MP (= pas les "nouveaux") : on n’en voit jamais, ces apareils rarissimes sommeillent dans des coffres bancaires ! Seulement 449 boîtiers ont été fabriqués, en 1956 et 1957 (311 chromés et 138 laqués noir). Parfois, un MP apparaît en vente aux enchères : le dernier a été adjugé (en Autriche je crois) pour environ 280000 francs. Tu pourras voir un MP illustré dans certains bons bouquins traitant du Leica, par exemple dans Rogliatti ("Leica, the first seventy years"). Tu demandes la différence avec un Leica M2 : le MP est un boîtier hybride entre le M3 et le M2, dont il préfigure l’arrivée en 1958. L’aspect et le viseur sont ceux d’un Leica M3, sauf le compteur qui est de type M2 (disque externe, remise à zéro manuelle) ; il n’y a pas de retardateur ; chaque MP a été livré avec le dispositif d’armement rapide Leicavit, qui n’est pas utilisable sur le M3 mais l’est sur le M2. Non, Niala, je n’ai jamais possédé de Leica MP !
Précision à propos du message de Penso : cette autre boutique, sur le même trottoir que "La Maison du Leica", mais plus vers la République, après le magasin Nikon, s’appelle "Double Expo" (comme l’écrit Critique). Plaisir des yeux : je recommande aux passionnés de l’histoire du Leica un très rare Leica 250 laqué noir (9900 €), exposé à l’intérieur. Je me souviens que deux de ces étonnants appareils, qui peuvent recevoir dix mètres de film, furent en vente pendant des mois dans la vitrine d’une petite boutique de la rue du Cardinal Lemoine, dans le 5ème arrondissement de Paris (elle n’existe plus), à un prix très abordable, au début des années 70 : à cette époque les collectionneurs n’existaient pratiquement pas…
Merci, Summicron 2, pour ces précisions sur Pierre Duverger, qui vendait jadis des occasions Leica dans son appartement rue Gabrielle, au pied de la Butte Montmartre : c’est bien lui ! Je me souviens du rideau rouge, de l’aspect étrange de son salon envahi d'une semi-pénombre… Vraiment étonnante, cette référence à Louis-Ferdinand Céline, ça alors ! Duverger a échappé au S.T.O. grâce à l’intervention du bon docteur Destouches, et travailla pour l’Organisation Todt, à Jersey ! Je me revois assis face à lui, de l’autre côté de la table de son salon, j'étais fasciné par ce Telyt f:5/400 mm que je ne pouvais acheter, joyau posé devant moi sur la nappe de feutrine verte… J’étais vrillé par le regard implacable du maître des lieux… Si j’avais connu son passé trouble, je serais parti en disant à ce collabo que mon père avait été prisonnier des Allemands pendant cinq ans, pendant qu’il se partageait entre Saint-Malo, Jersey et la Butte Montmartre…
Souvenir et association d’idées… La Gestapo de Paris s’était établie à l’Hôtel Lutétia, réquisitionné… Vers la fin des années 70, ce célèbre grand hôtel vida ses placards et découvrit un peu de matériel photo Leitz abandonné par l’occupant. Ce matériel fut confié à Grenier-Natkin, une maison réputée (Marcel Natkin…) qui vendait de l’occasion en face de l’hôtel, au bout de la rue d’Assas et j’ai eu la chance d’arriver au bon moment…
Puisque nous parlons de matériel d’occasion, je termine en signalant ce rendez-vous incontournable pour ceux qui habitent en Île-de-France : la prochaine Foire à la Photo de Bièvres, Dimanche 6 Juin. Visitez aussi l’intéressant Musée de la Photographie de cette commune !
Bien cordialement,
Jean D.